Bernoulli, Johann I an Osterwald, Jean Rodolphe (1719.11.13)

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Autor Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Empfänger Osterwald, Jean Rodolphe, 1687-1763
Ort Basel
Datum 1719.11.13
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 674:Bl.223-224
Fussnote Am Briefkopf eigenhändig "à Mr. Osterwald le Fils Ministre"



File icon.gif à Mr. Osterwald le Fils Ministre.

De chez moi ce 13 9bre 1719.

Monsieur

La lettre que Vous avez pris la peine de me faire tenir est du jeune Mr. Tribolet[1] qui se trouve presentement à Lyon: c'est déja la troisieme que j'en ai reçû consecutivement;[2] avec les deux premieres il m'envoya deux manuscripts contenant la Description d'un nouveau mouvement pretendu perpetuel de son invention,[3] sur lequel il demande mon sentiment[4]. Vous Vous souviendrez Monsieur, qu'il y a quelques années qu'on me pria d'examiner un Essai que Mr. Tribolet avoit fait du mouvement perpetuel; je pris la patience de le lire et de mettre par ecrit mes remarques;[5] Vous sçavez que je Vous les ai donné et que Vous Vous étiez chargé de les lui envoyer. Cependant il me dit maintenant qu'il ne les a pas reçûes s'etant perdu en chemin, mais que non obstant cela il avoit déja trouvé son erreur avant que son essai me fut parvenu; mais je m'imagine bien que ce n'est là qu'une defaite pour n'étre pas obligé d'avouer que je l'ai ramené de son egarement en Lui decouvrant le ridicule de son invention et la stabilité (sit venia dicto) de son mouvement perpetuel. Mais qu'il ait vû ou qu'il n'ait pas vû mes remarques, qui faisoient un assez gros paquet pour ne se pas perdre si aisément en chemin, je dis qu'il n'a pas mieux reussi dans sa seconde entreprise que dans la premiere; ses raisonnements sont remplis de paralogismes, par les quels il montre qu'il a fort peu de teinture de l'hidrostatique, je n'ai pas le temps d'entrer dans le détail, et quand je l'aurois je ne voudrois pas le perdre à raisonner avec lui sur des choses qui entrent dans la Geometrie File icon.gif et dans la Mechanique, sciences qu'il n'entend pas ou tres mediocrement. Il forme une espece de syllogisme sur la validité du quel il pretend batir la verité de son mouvement perpetuel, son syllogisme revient à ceci: "En rendant un poids alternativement pesant et leger on aura trouvé le mouvement perpetuel. Or Mr. Tribolet a trouvé le moyen de rendre dans les liquides les poids tantot plus tantot moins pesants, en leur faisant avoir successivement tantot un plus petit volume tantot un plus grand. Donc etc." Mais que direz Vous Monsieur, quand je repondrai à cet argument, que l'on en peut nier et la majeure et la mineure, car pour ce qui est de la majeure il est facile de prevoir ce qui arivera quand un poids de plus leger qu'il est que son contrepoids il doit devenir plus pesant il est manifeste que cela ne se fait pas par saut (per saltum) mais par degréz en sorte qu'avant que de passer de la moins grande à la plus grande pesanteur il faut qu'il parvienne à un degré du milieu entre deux, c'est à dire, à une parfaite egalité de pesanteur, ou de force avec son contrepoids, à la quelle étant parvenu il y aura equilibre entre les forces opposées, et dans ce cas il est visible que tout mouvement cessera. Quant à la mineure du syllogisme de Mr. Tribolet, il s'imagine avoir trouvé le moyen de rendre alternativement les poids moins et plus pesants, mais ce moyen n'a que l'apparance de verité, et s'il avoit un peu plus de connoissance des loix d'hydrostatique[6] et de la nature de la pression des liquides, il verroit que son invention n'est qu'une chimere. Je plains tout le temps et le travail qu'il File icon.gif employe à courir aprez un fantome. Il a du genie mais avec cela beaucoup de présomtion en ce que peu versé dans les mathematiques et partant peu pourvû de ce qui est necessaire pour faire des decouvertes de cette nature, il se croit en état d'executer ce que les plus grands Maîtres qui ont passé leur vie à se perfectioner dans l'art d'inventer ont abandonné comme une chose qu'ils avouoient leur étre impossibl[e], et "pretend donner" (ce sont ses propres termes) "la solution de ce probleme si fameux et qu'on n'a pu resoudre depuis plus de deux mille ans qu'il est proposé"; en verité il y a là[7] un peu de vanité. Il devroit songer à la fable d'Icare et ne pas se hazarder de voler avant que d'avoir des plumes. Je lui conseille en Ami, puisqu'il se trouve du penchant pour ces sortes d'etudes, de commencer par les fondements, c'est à dire, par bien etudier, la Geometrie et puis la mechanique tant des solides que des fluides, pour s'acquerir une connoissance parfaite des forces mouvantes, car je vois que c'est ce qui luy manque principalement. Voila Mo.r mon sentiment sur cette pretendue decouverte de Monsieur Tribolet. Je consens que vous le lui comuniquiez si vous le trouvez à propos; la franchise avec la quelle je parle lui sera sans doute desagreable mais qu'il s'en prenne à lui meme, car il auroit pû s'epargner ce chagrin en m'epargnant la peine d'examiner touts ses ecrits: pourquoi s'adresse-t-il toujours à moi, comme si je n'avois d'autres affaires qu'à vaquer à cela et à corriger ses jdées qui donnent dans le merveilleux? n'y a-t-il pas dans son voisinage des gens aussi capables que moi, qu'il pouroit consulter? je vous demande pardon de mon importunité; et vous prie d'estre assuré que je suis tres parfaitement Monsieur votre tres humble et tr. ob. sr. J. Bernoulli.


Fussnoten

  1. Godefroy Tribolet (1696-1752).
  2. Diese drei Briefe Tribolets an Johann Bernoulli scheinen nicht erhalten zu sein.
  3. Godefroy Tribolet wollte 1716 das Problem des Perpetuum mobile gelöst haben. Seine angebliche Lösung ist aber verloren. Siehe Musée Neuchâtelois, série 1, vol. 22, Neuchâtel 1885, p. 271.
  4. Im Manuskript steht "sentimement"
  5. Dieser Brief von Johann Bernoulli an Tribolet scheint ebenfalls nicht erhalten zu sein.
  6. Im Manuskript steht "hydrostratique"
  7. Die hier eingefügten folgenden zehn Wörter sind von Johann I Bernoulli eigenhändig am unteren Rand der Seite notiert worden.


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