Bernoulli, Johann I an Crousaz, Jean Pierre de (1717.05.08)

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Kurzinformationen zum Brief       mehr ...
Autor Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Empfänger Crousaz, Jean Pierre de, 1663-1750
Ort Basel
Datum 1717.05.08
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 656, Nr.6
Fussnote Am Briefkopf eigenhändig "à Mr. de Crousaz"



File icon.gif Monsieur

Ne Vous allarmés pas de mon eloignement, qui ne sera peutetre qu'imaginaire, car me voici encore à Bâle, Dieu sçait si j'en partirai jamais: il est vrai que Messr. les Curateurs de l'université de Groningue m'y ont rappellé pour reprendre dans leur Academie mon ancien poste de Professeur en Mathematique avec un nouveau titre qu'ils ajoutent de Professeur en Philosophie; Mais il ne me semble pas que Messr. de Groningue s'apperçoivent, comme Vous dites de la perte qu'ils ont faite quand je suis retourné dans ma patrie, car outre que c'est une perte de peu de consequence, ils ne font pas encore les demarches necessaires pour me persuader serieusement d'accepter Leur vocation, puisqu'il ne m'offrent pas de meilleures conditions, que celles que j'avois autre fois; quelle raison aurois je donc je Vous prie de subir un si grand changement, à l'age où je suis pour aller jouir d'une fortune que j'avois abandonné auparavant? à quoy bon de refaire un si grand voyage aprez l'avoir fait deux fois, quand ce ne seroit que pour me mettre sur le meme pied où j'aurois toujours eté, si j'y avois voulu rester, ce qui ne dependoit que de moi? Ainsi Vous voyez Monsieur que mon depart est encor fort eloigné et je puis Vous asseurer qu'il ne viendra jamais, à moins qu'on ne me fasse des offres beaucoup plus avantageuses qu'on ne m'a fait encor; j'attens des Lettres de Groningue, suivant lesquelles je me determinerai[1] tout à fait à l'un ou l'autre parti. J'apprends que Mr. de Barbeyrac, qui est appellé pour la meme université a accepté la vocation; il a bien fait, car n'etant point embarassé de Famille comme moi, il poura faire fort commodement le voyage sur le Rhin, je serois curieux de sçavoir la pension annuelle que Messr. de File icon.gif Groningue Lui ont offerte. Vous dites que Vous allez de temps en temps à Berne et quelque fois à Soleure, faisant esperance que Vous pouriez bien un jour pousser jusqu'à Bâle; je Vous proteste que je serois ravi de Vous voir ici, souvenez Vous d'effectuer Vôtre dessein. Vous repondez Monsieur à mes deux remarques sur le son;[2] quant à la premiere, je vois que je n'avois pas assez compris Vôtre pensée dans le traité du beau,[3] ni Vôtre idée sur le mot de tension, car je croyois que Vous entendiez que les cordes, quoique d'inegale grosseur seroient egalement tendues par des poids egaux: cependant il y a encore une difficulté dans Vôtre reponse, c'est que pour montrer que dès qu'une fois deux cordes de grosseur inegale seront egalement tendues pour hausser le ton de l'un et l'autre de la meme quantité, il faudra tendre d'avantage la plus mince. Vous dites que quand on a deux cordes d'inegale grosseur à l'unison, à l'octave et à la quinte etc. pour hausser l'un et l'autre d'un ton, si on fait faire un demi tour à la cheville, qui sert à tendre la petite, quelque fois il ne faudra pas tourner d'un quart la cheville de la grosse:[4] Mais Vous ne prenez pas garde qu'un quart de tour de la cheville de la grosse corde cause peutetre une aussi grande tension dans cette corde, que fait un demi tour de cheville sur la corde mince, cela est evident puisque la convexité de la grosse corde fait une plus grande circonference autour de la cheville que ne fait la mince. Je ne sçai ce que Vous voulez dire par le son cave, que l'on tire d'un gobelet à mesure qu'on y verse de l'eau quoiqu'il en soit si le gobelet est fait d'une matiere fine et sonore comme c'est par ex. une tasse de porcelaine ou un verre à boire ordinaire d'une figure conique, le son que ces sortes de vase rendent est assez clair pour distinguer sans etre musicien, que le son devient plus grave à mesure que l'on y verse de l'eau; File icon.gif je ne me serois pas attendu, que Vous me contesteriez un fait, que l'experience verifie trop aisement à tout moment, qu'on voudra: Vos musiciens que Vous avez consulté, et qui etoient quelque fois embarassés, mais qui aprez des redoublemens d'attention sont enfin convenus, que le ton devenoit plus aigu à mesure[5] qu'on y verse plus d'eau, ces Musiciens, dis-je, doivent avoir l'oreille tout autrement formée que nous autres, ou il faut qu'ils appellent aigu ce que nous appellons grave: enfin me vouloir persuader que le ton devient plus aigu par l'infusion de l'eau c'est me persuader, que la neige est noire ou que le corbeau est blanc.

J'ai lu ce que Mr. Guisnée a ecrit sur les maxima et minima,[6] je ne trouve pas cette piece fort digne d'etre estimée: Vous Vous plaignez, qu'il affecte un laconisme obscur et qu'il se donne l'air d'un homme qui s'impatiente et à qui les mots, le papier et l'encre coutent infiniment, mais il me paroit tout le contraire, je vois là un Auteur qui se guinde dans les nuées, qui prodigue ses paroles pour remplir seulement plusieurs feuilles de papier sur une chose qu'il auroit pu dire en 3 mots, il fait le mysterieux là où il n'y a point de mystere, par ex. dans les articles 14 et 22 il vante certaines especes de maxima et minima qu'il nomme faux maxima ou faux minima, et maxima infinis dont il se fait faite de les avoir inventés, jusqu'à s'applaudir à soi meme disant que personne qu'il sçache ne s'en est encore avisé, cependant ce ne sont que de pures pauvretés, car si on vouloit s'amuser à chaque circonstance particuliere, que l'on remarque dans toutes les courbes possibles dont la variété est infinie, pour en faire une regle ou methode, on pouroit devenir sans peine inventeur d'un grand nombre de methodes en fort peu de temps cela ne couteroit rien; mais ce qui pis est la proposition, qu'il fait touchant les faux maxima ou les faux minima est fausse tant la directe que l'inverse; Vous croyez qu'il demontre la directe, et ce n'est que l'inverse, dont Vous File icon.gif doutez, mais j'ose Vous dire que la demonstration, qu'il donne de la directe art. 3 est un paralogisme qui fait pitié, car voyons ce qu'il veut prouver il dit, que si les tangentes au point (c'est à dire au noeud)[7] ne sont point paralleles aux axes conjugués , ; les differences et deviendront toutes deux egales à zero au point par la supposition de l'une des deux ; la demonstration qu'il en donne consiste en ce qu'il croit que lorsque par la supposition de ou , les points , , tombent en , les lignes et , s'evanouissant, ainsi les et seront nulles ou , mais cette consequence est nulle de toute nullité, car de ce que et , qui sont d'abord des grandeurs finies s'evanouissent ou deviennent zero, il ne s'ensuit pas que les differentielles le deviennent aussi par ex. les coordonnées d'une courbe,[8] qui coupe son axe dans un angle aigu sont nulles au sommet ou au commencement des abscisses, mais il seroit ridicule si on en vouloit[9], que les et deviendront aussi toutes deux egales à zero au meme point; ainsi c'est un paralogisme de confondre les grandeurs finies qui s'evanouissent avec leurs differentielles; les deux exemples, que Mr. Guisnée donne pour les courbes fig. 6 et 8, où sa regle pretendue reussit ne sont que de hazard; voici une autre courbe, dont l'equation est assez simple sçavoir , on voit aisement qu'elle a un noeud à l'endroit où est ; les deux rameaux s'y coupent à angle droit; cependant en differentiant l'equation on trouve ; laquelle en supposant , donne et non pas , comme il faudroit selon la regle de Mr. Guisnée, elle est donc fausse; Je pourrois Vous donner une infinité d'autres courbes qui ont des noeuds, mais lesquels ne seroient pas trouvables File icon.gif par la regle de l'Autheur, en sorte, qu'il n'est point constant, comme il dit, que dans les noeuds le rapport de à est indeterminé ou par la supposition de ou . Voici presentement un exemple d'une courbe, qui n'a point de noeud, mais dont l'equation ne laisse pas d'en montrer un selon la belle regle de l'Autheur, c'est cette equation ou (si Vous aimés mieux comme l'Autheur mettre pour le numerateur) , supposant ici , on trouve ; supposant , on trouve aussi[10] ; On seroit donc assuré suivant l'asseurance que nous donne Mr. Guisnée art. 15 que la courbe dont la nature est exprimée par l'equation , sur la quelle j'ay operé a un noeud au point où les coordonnées ont les valeurs trouvées, c'est à dire où : Or je sçai que cette courbe n'a point de noeud, et de vouloir y en chercher, ce seroit nodum in scirpo quaerere, car c'est une courbe qui est algebraique ayant pour equation , d'où on voit aisement, qu'elle a deux rameaux, qui s'ecartent, l'un de l'autre de plus en plus à l'infini dés le commencement des abscisses et qui par consequent ne se couperont jamais, où sera donc le noeud?

Quant à l'inverse, elle est fausse en plus d'une maniere, car premierement il peut arriver que les deux suppositions de et , donnent differentes valeurs pour et pour , sans que cela empeche que les courbes n'ayent des noeuds, comme je l'ai fait voir dans les exemples cités ci dessus. 2.do il y a des cas, où il peut y avoir File icon.gif un noeud ou un faux maximum avec un vrai maximum au meme point; comme par ex. [Figur folgt][11] quand la courbe est située tellement par rapport aux coordonnées , , que la tangente d'un des rameaux au point de l'intersection soit parallel à il est clair que est en meme temps un vrai maximum à l'egard du rameau et un faux maximum à l'egard de l'autre rameau . 3.o Enfin on peut donner des courbes où les deux suppositions en question de et donnent bien differentes valeurs pour et pour sans qu'il y ait des maxima ou minima ni veritables ni faux, comme sont toutes les courbes, qui ont un point d'inflexion, auquel la tangente est parallele à une des coordonnées. Soit p. ex. [Figur folgt][12] la parabole Cubicale premiere qui a comme Vous sçavez un point d'inflexion à son sommet principal et où la tangente est parallele aux ordonnées[13] ; mais si on prend maintenant pour axes conjugués , , en sorte que etant et , , le parametre et la constante ; on aura et pour equation de la courbe ; ce qui donne , supposant donc on trouve , et , supposant aussi , ou ce qui revient au meme , on aura et ; c'est à dire valeurs differentes pour et pour dans cette supposition, de celles que donne l'autre File icon.gif supposition; il y auroit donc selon Guisnée au point un veritable maximum ou minimum; or il est clair que n'est ni la plus grande ni la plus petite des appliquées, contre la regle de l'Autheur. Outre ces faussetés que je viens de montrer dans sa piece, il y a encore d'autres absurdités, qui me font connoitre que ce bon homme etoit un genie tres mediocre, j'ay remarqué que sans faire reflexion, il a fait des propositions generales, sur les premieres idées qu'il s'etoit formées des lignes courbes, comme si rien ne pouvoit s'y trouver que ce qui s'est presenté d'abord à son imagination, voilà donc des regles generales, il ne Lui en falloit pas davantage; c'est ainsi, qu'il ne s'est pas mis en peine d'examiner si dans l'art. 3[14] n.o 1, 2 et 3 ne seroient pas des propositions, qui souffrent des exceptions, comme effectivement ces 3 propositions ne sont vraies, qu'en supposant, que les courbes soient convexes tout d'un meme sens, c'est à dire, qu'elles n'aient pas des points d'inflexion. Il en est de meme de ce qu'il avance art. 12 où il dit que la supposition de ou de , servent à trouver tous les points des courbes où les tangentes sont paralleles à l'axe des , ce qui est vrai, mais il est visible que ce qu'il ajoute en disant ou ce qui revient au meme, à trouver tous les maxima et minima de est absolument faux pour les courbes qui File icon.gif ont un point d'inflexion à l'endroit où la tangente est parallele à l'axe des , comme la parabole cubicale premiere que j'ay prise ci dessus pour exemple puisque non obstant le parallelisme de la tangente il n'y a point de maximum. Je suis donc aussi de Vôtre sentiment Monsieur, que pour eviter les difficultés, que nôtre Autheur tasche de resoudre par ses pretendues regles generales, le meilleur moyen est d'etudier[15] d'abord la figure de la courbe par l'équation donné, pour s'en former une idée claire, car par là on verra d'abord quelle supposition on doit faire pour trouver un tel ou tel maximum ou minimum sans avoir besoin des regles de Mr. Guisnée. C'est sans doute mal seant à un mathematicien de chercher en tatonnant et sans sçavoir ce qu'il cherche si c'est un maximum ou un minimum, si on veut chercher la plus grande ou la plus petite grandeur entre une infinité d'autres, il faut premierement connoitre ces grandeurs avant que d'en choisir, or on les connoitra si on medite attentivement leurs loix contenues dans l'equation, qui exprime toutes ces grandeurs; c'est ainsi qu'on epie pour ainsi parler les pistes d'un point en mouvement par lequel il decrit une ligne courbe pourvû qu'on considere attentivement les loix de ce mouvement. Voilà ce que j'avois à Vous dire sur l'ecrit de Mr. Guisnée. Je suis avec sincerité Monsieur Votre tres humble et tres obeiss. serv. J. Bernoulli.

Bale ce 8. mai 1717.


Fussnoten

  1. Im Manuskript steht "determirai"
  2. [Text folgt]
  3. [Text folgt]
  4. [Text folgt]
  5. Im Manuskript steht "me mesure"
  6. Guisnée, ?, Observations sur les Methodes de Maximis et Minimis, où l'on fait voir l'identité et la difference de celle de l'Analyse des Infiniment petits avec celles de Mrs. Hermat et Hude: Mém. Paris (1706), 1707, pp. 14-51
  7. Im Manuskript steht "au point "
  8. Im Manuskript steht "corbe"
  9. Hier fehlt wahrscheinlich "déduire"
  10. Im Manuskript steht "aussi aussi"
  11. [Link folgt]
  12. [Link folgt]
  13. Möglicherweise ist "coordonées" gemeint
  14. Sollte "art. 2" heissen
  15. Im Manuskript steht "etutier"


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