Bernoulli, Johann I an Crousaz, Jean Pierre de (1722.07.15)

Aus Bernoulli Wiki
Zur Navigation springen Zur Suche springen


[Noch keine Bilder verfügbar]


Kurzinformationen zum Brief       mehr ...
Autor Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Empfänger Crousaz, Jean Pierre de, 1663-1750
Ort Basel
Datum 1722.07.15
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur Lausanne, Privatbesitz Mlle de Crousaz
Fussnote



File icon keinbild.gif Monsieur

Depuis ma derniere lettre que je me donnai l'honneur de Vous ecrire etant au lit, indisposé de la goute, j'en eus encore 3 ou 4 attaques assez violentes, ce qui affoiblit tellement mes forces, que je suis obligé de congedier (au moins pour quelque temps) les fortes meditations et tout ce qui attache l'esprit, particulierement l'etude des mathematiques; c'est aussi ce que les medecins me conseillent. Voila la raison pourquoi je n'ai pas repondu à Votre penultieme du 17. Mars dernier.[1] Je me suis proposé de me servir cet été des eaux de Pfefers, je ferai pour cela un petit voyage à Mulhouse à cinq lieues d'ici pour m'eloigner un peu des affaires et des soins de la maison.[2]

[3]J'ai reçû Monsieur Votre Commentaire sur l'Analyse etc. et Votre Discours sur le mouvement,[4] je Vous en rends mille graces: J'ai envoyé aussi tot à Dourlac[5] le petit paquet que Vous y aviez joint, j'espere qu'il y sera arrivé. En lisant le Discours sur le mouvement, j'ai bien remarqué qu'il est ecrit avec beaucoup d'elegance et de force; mais je n'y ai point trouvé de nouvelle invention, comme je croyois qu'on avoit exigé de ceux qui voudront pretendre à remporter quelque prix: Vos pensées File icon keinbild.gif tant sur le corps que sur le mouvement ne sont pas de nouvelle date, elles sont la plus part prises des opinions de Descartes, qui fait comme Vous consister l'Essence des corps dans la seule étendue, et celle du mouvement dans l'application successive de leurs surfaces aux surfaces des corps contigus; Vous avez aussi presque les memes sentiments avec M. Descartes sur la quantité et sur la communication du mouvement; Il est vrai que Vous paraphrasez tres bien cet Auteur et que Vous mettez son systeme dans un beau jour, quoique Vous le refutiez aussi sur quelques points, comme par ex. sur les causes occasionelles. Cependant les Anglois ne Vous passeront pas tout ce que Vous dites sur l'essence du corps et du mouvement, pour ce qui est de la quantité pretendue permanente du mouvement et de sa communication que Descartes en deduit, les regles qu'il donne sont absolument fausses, on en peut demontrer geometriquement la fausseté.

Je ne suis pas assez presomptueux pour croire que j'aurois pu ecrire une aussi belle piece que la Votre, car je n'ai pas le don de l'eloquence; mais je souhaiterois qu'on proposat une autre fois quelque question determinée prise de la physique resoluble par la Geometrie, où il ne faille que de l'adresse à mediter et à inventer; peutetre aurois-je le bonheur d'y reussir autant qu'un autre.

L'état de ma santé ne me permet pas de lire avec beaucoup d'attachement Votre Commentaire sur l'Analyse des infiniment petits[6]: j'ai pourtant parcouru (avant que de le donner au relieur) la Dedicace, la preface et les deux Discours preliminaires; File icon keinbild.gif Le second de ces discours eclaircit fort bien le Calcul des puissances, tout y va bien à quelques fautes prés, soit de calcul soit d'impression; Il y a aussi de belles remarques sur les infiniment petits dans le premier Discours, mais il semble qu'en voulant eclaircir la nature de ces infiniment petits avec trop de soin Vous la rendez moins intelligible à ceux qui ne sont pas accoutumés à de longues explications, surtout si ces explications elles memes leur paroissent plus obscures que la matiere à expliquer. En effet c'est quelque chose de choquant que de dire (p. 5) qu'un solide, un Parallelepipede par exemple peut étre divisé et subdivisé dans sa hauteur tellement qu'on viendra enfin à une surface dont la hauteur sera infiniment petite etc. Car par la division des corps quelqu'infinie qu'elle soit, on ne parviendra jamais à des surfaces; les parties d'un corps quoi qu'infiniment petites sont toujours des corps, comme les parties d'une surface sont toujours surfaces et les parties d'une ligne sont toujours lignes; n'etant pas possible qu'un genre de quantité puisse étre changé par la division en un autre genre de quantité: Vous auriez donc mieux fait à mon avis de garder le mot de tranches, et de dire qu'on viendra enfin à une tranche dont la hauteur sera infiniment petite etc. Vos autres façons de parler les surfaces sont par rapport au parallelepipede des infiniment petits etc. Ce Parallelogramme infiniment petit par rapport au parallelepipede etc. me paroissent tres dures pour une oreille geometrique, et peu capables de former un commençant à avoir des idées nettes sur le sujet qu'on veut traiter; elles jettent plutot dans l'erreur et dans le prejugé où on est avant que d'etre Geometre, comme si le corps étoit composé de surfaces, la surface composée de lignes, et la ligne composée de points, préjugé fort difficile à detruire dans les jeunes gens et qui les empeche de comprendre les demonstrations sur les figures Geometriques, car qu'est ce qui les trouble davantage que quand ils ne sçavent pas distinguer par exemple la surface d'avec les lignes qui la terminent: Il ne faudroit donc pas se servir de ces façons de parler qui nourrissent les prejugés, au lieu qu'on devroit les detruire. File icon keinbild.gif

Pag. 7. Pour demontrer que la circonference d'un polygone infinilateral inscrit dans le cercle, est egale à la circonference du cercle, Vous dites que chaque coté du polygone etant la corde d'un arc de cercle, la difference qu'il y a entre un arc et sa corde diminue toujours à proportion que cette corde devient plus petite; ce qui est tres vrai, comme aussi ce qui suit qu'on pourra donc multiplier tellement les cotés d'un polygone inscrit ou circonscrit, qu'il sera enfin permis de compter pour rien la difference d'un de ces cotés avec l'arc qui lui repond, tout cela est vrai, mais la consequence que Vous en tirez n'est pas legitime, sçavoir que la circonference du polygone devient egale à celle du cercle, car il ne suffit pas de faire voir que la difference qu'il y a entre un arc de cercle et sa corde diminue à l'infini, pour en conclure que les deux circonferences deviennent égales, autrement Vous pouriez conclure avec le meme droit que la base d'un triangle rectangle [Figur folgt][7] est egale à l'hypotenuse , de ce qu'etant divisé l'une et l'autre par des paralleles , , , etc., je Vous fai voir que plus est grand le nombre des parties, et plus petite sera la difference qu'il y a entre une des parties et une des parties , on pourra donc multiplier tellement les parties de la base et de l'hypotenuse, qu'il sera enfin permis de compter pour rien la difference d'une des parties avec une des parties ; mais celui qui en voudroit inferer que l'hypotenuse deviendra egale à la base , se tromperoit extremement; Vous voyez Monsieur qu'il faut encore autre chose pour prouver que la circonference du polygone infinilateral devient egale à celle du cercle, c'est qu'il faut faire voir que non seulement la difference entre l'arc et la corde s'evanouit, car cela arrive aussi ici entre et , mais que de plus la raison qu'il y a entre l'arc et la corde devient infiniment peu differente de la raison d'egalité, ce qui n'arrive pas à la raison entre et qui demeure constamment la meme, en quelque grand nombre de parties, que soient divisées les lignes et .

P. 8. Vous dites que l'angle est sans aucune epaisseur à sa naissance, je n'ai jamais oui parler de l'epaisseur de l'angle, je ne sçai non plus ce que c'est qu'un angle naissant, les cotés d'un angle peuvent étre naissant lorsqu'ils deviennent finis d'infiniment petits qu'ils étoient, mais l'angle lui meme demeure toujours d'une meme grandeur. Vous ne concevez, dites Vous, File icon keinbild.gif point de ligne sans largeur, mais moi au contraire je ne conçois point de ligne avec largeur; car je vous prie dites moi qu'est ce que c'est qu'une ligne avec largeur? c'est une chimere, c'est une contradiction, c'est comme si vous disiez c'est une ligne qui est surface; ou c'est une surface qui est corps; je comprends bien que Vous voulez insinuer qu'il n'y a point de ligne geometrique, qui soit sans largeur, mais la possibilité ou l'impossibilité de l'existence ne doit pas regler nos idées, je dois concevoir les choses selon leur definition; or on definit la ligne que c'est une grandeur qui a une seule dimensio, je ne me mets pas en peine si une telle grandeur peut exister ou non, ni si je la puis imaginer ou non; imaginer et concevoir sont choses differentes; on doit concevoir une chose selon ce qu'elle est, mais l'imagination se la represente selon qu'elle frappe les sens comme Vous sçavez mieux que moi, Vous qui avez fait une si excellente Logique.

P. 11 au commencement et dans la suite Vous parlez Monsieur de multiplier par , c'est à dire, un rectangle par une ligne, et Vous dites qu'on aura le rectangle ; pardon Monsieur, c'est là encore une façon de parler contre l'usage des Geometres, car Vous sçavez que chez Eux multiplier un rectangle par une ligne, c'est faire un parallelepipede et non pas un autre rectangle; il ne Vous est pas inconnû que dans l'algebre on augmente les dimensions par la multiplication et on les diminue par la division, tellement que le produit est la somme des dimensions des deux multiplicateurs, et le quotient la difference des dimensions du dividende et du diviseur. Il est vrai que Vous Vous expliquez sur ce que Vous entendez par multiplier le rectangle par la ligne , en disant que c'est placer successivement sur la ligne , autant de fois que la base se trouve dans cette ligne, cela va bien, cependant les commençants et les foibles esprits qui ont appris à avoir des idées de ces multiplications et divisions des dimensions selon la maniere ordinaire, pourroient ici se confondre au lieu de s'eclaircir sur les infiniment petits de touts les genres: Vous File icon keinbild.gif auriez peut etre mieux fait de Vous exprimer ainsi: Si on multiplie par le nombre de fois que sa base se trouve dans la ligne , on aura le rectangle etc.[8] En parlant ainsi Vous ne Vous seriez pas ecarté de la maniere ordinaire de parler des Algebristes.

Vers la fin de la meme page Vous concluez sans aucune restriction que si la hauteur du rectangle étoit infinie, quoique la base fut infiniment petite, ce Rectangle ne laisseroit pas d'étre une quantité finie, pour moi, je crois qu'à parler generalement cela ne peut pas étre soutenu, à moins qu'on ne suppose que la raison entre la hauteur et la ligne est comparable à la raison entre la meme ligne et la base ; car d'ailleurs la premiere raison pourroit étre infiniment ou plus grande ou plus petite que la seconde raison.

Ce que j'ai remarqué sur la page 11 touchant Votre maniere de multiplier se doit aussi entendre sur ce que Vous dites page 13 des divisions: ainsi je n'approuve pas cette façon de parler, Le rectangle divisé par le rectangle donne pour quotient la Ligne , car la division d'un rectangle par un autre rectangle donne pour quotient non pas une ligne mais un nombre.

L'infiniment petit, dites Vous au meme endroit, du premier genre divisé par l'infiniment petit du meme genre , donne pour quotient un infiniment petit du second, point du tout! Si les deux infiniment petits du premier genre sont des grandeurs homogenes, comme ligne et ligne, ou surface et surface etc. que l'on peut exprimer par et , alors la division de l'une par l'autre ( ou ) donne un nombre fini bien loin de donner un infiniment petit du second genre; si l'un des infiniment petits du premier genre marque une surface () et l'autre une ligne , alors la division de celuilà par celuici () donnera une ligne finie, et point du tout un infiniment petit du second genre, ainsi des autres. Je ne sçaurois souffrir ce que Vous ajoutez (pardonnez moi ma franchise) que qui est une ligne est infiniment petit en comparaison de qui est un rectangle, dites moi de grace qui est ce de touts les Geometres qui ait jamais comparé ensemble une ligne et un File icon keinbild.gif rectangle, qui sont des grandeurs heterogenes? j'aimerois autant une comparaison entre le son et la couleur, ou entre un temps et un poids; que diriez Vous Monsieur si quelqu'un Vous disoit que la longueur d'une aune est infiniment petite en comparaison de la longueur d'un siecle? en verité Votre comparaison ne va gueres mieux.

Vous continuez dans la meme page Vos locutions impropres, en prenant la base du parallelepipede pour son infiniment petit, comme si un rectangle qui est une surface pouvoit etre l'element d'un parallelepipede qui est un solide.

Ce que Vous dites Monsieur aprez cela sur les multiplications et divisions des infiniment petits de differens genres, n'est pas bien conforme aux idées que j'en ai, par exemple à la page 14 Vous voulez que si on divisoit un infiniment petit du premier genre par un infiniment petit du troisieme, on auroit pour quotient un infiniment petit du second multiplié par un infiniment petit du premier, mais quant à moi, je prétens qu'une telle division produiroit pour quotient une quantité infiniment-infinie, c'est à dire, infinie du second genre, tant s'en faut que le quotient puisse étre, comme Vous dites, un infiniment petit du second genre multiplié par un infiniment petit du premier: voici ma preuve sans tant de façon des rectangles et des parallelepipedes; soit une ligne finie, un infiniment petit du premier genre, un infiniment petit du troisième genre, il faut prouver que est un infiniment grand du second genre; pour cette fin soit nommé , donc , donc or est infini-infiniment plus grand que , donc aussi , qui est le quotient de la division sera infini-infiniment plus grand que qui est une ligne finie, et partant sera un infiniment grand du second genre: Ce qu'il falloit demontrer. C'est de cette maniere aisée qu'on peut determiner toutes Vos multiplications et divisions des differents genres d'infiniment petits; ensorte que je ne conçois pas, pourquoi Vous marchiez par tant de détours, pour mener Vôtre Lecteur à l'intelligence des differentielles, qui n'est pas à beaucoup prés si difficile, que Vous voulez faire accroire.

File icon keinbild.gif P. 15, au commencement de la page, Vous faites derechef une comparaison entre des grandeurs heterogenes en disant que les lignes qui ferment un triangle infiniment petit, sont des grandeurs infiniment petites en comparaison de la surface de ce triangle; par ces paroles Vous entendez sans doute quelque chose de different de ce que les termes signifient ordinairement, car Vous remarqués fort bien Vous meme à la page suivante que toute comparaison doit rouler sur des choses de meme genre, j'avoue donc que je ne comprens pas le veritable sens que Vous donnés à la susdite comparaison entre les lignes et la surface de votre triangle, comment voulez vous donc qu'un Ecolier le comprenne? outre cela l'aire d'un triangle peut étre infiniment petite, sans qu'il soit besoin pour cela que touts ses 3 cotés soient aussi infiniment petits, car concevez un triangle par exemple isocele dont l'angle du sommet soit infiniment aigu, Vous voyez que l'aire en sera infiniment petite quand meme les deux jambes sont d'une longueur finie.

P. 22, ligne derniere; il y a faute de calcul, car à la place de il faut ecrire , cette faute quoique legere influe pourtant sur ce qu'il y a à la page suivante, où Vous dites, donc et , puisqu'il faudroit conclure donc , c'est à dire une grandeur reelle egale à une imaginaire, ce qui jetteroit encore dans de plus grandes erreurs et contradictions que celles que Vous marqués: cette meme faute de calcul fait qu'il est faux ce que Vous dites peu aprés, que Dans les cas où seroit , alors seroit tres parfaitement , il faudroit dire que Dans les cas où seroit , alors seroit tres-parfaitement , mais puisqu'il est impossible que soit il faut conclure que ces cas ne peuvent pas arriver où soit tres parfaitement , à sçavoir dans le sens que Vous le prenez; ce que vous dites dans le paragraphe suivant participe encore de la meme faute.

Voila Monsieur mes remarques que je Vous ai bien voulu communiquer, puisque Vous avez temoigné envie de les voir; j'espere que Vous les prendrez en bonne part, d'autant plus que Vous pouvez étre assuré que je souhaiterois de tout mon coeur, que Vous m'File icon keinbild.gifeussiez fait voir Votre Commentaire en manuscrit avant que de le faire imprimer comme Vous me l'aviez proposé il y a quelques années; peutetre mes avis ne Vous auroient-ils pas été inutiles: Je croi que mes remarques Vous feront assez connoitre, que Vous auriez dû changer plusieurs de vos manieres de commenter, et leur donner un autre tour, de peur que les ignorants ou ceux qui haissent les nouveaux calculs ne prennent Vos explications dans un mauvais sens, et ne cherchent par là occasion de decrier l'Analyse des infiniment petits, ce qui seroit bien eloigné du but que Vous vous étes proposé en faisant ce Commentaire.

Quant au reste Monsieur Vous me faites bien de l'honneur dans Votre derniere Lettre[9] de reconnoitre et d'avouer que cette Analyse que Vous avez commentée est moins l'Ouvrage de M. le M. de l'Hopital que le mien, je veux croire que Vous parlés de la sorte non point par complaisance mais parce que Vous en étes entierement convaincu par des preuves incontestables qui sont publiques, Vous en aurez vû bon nombre dans les Actes de Leipsic surtout dans ceux de l'année passée au mois de Juin ou dans celui de Mai (car je ne m'en souviens pas bien) où il y a une piece d'un nommé M. Bourcard, dans laquelle on cite plusieurs lettres autentiques qui ne laissent aucunement douter de la verité du compliment que Vous me faites dans Vôtre Lettre;[10] Vous me direz Monsieur que ce n'est pas un compliment; est ce donc un aveu sincere? je croi que c'est l'un et l'autre ensemble, n'étant point incompatible qu'on fasse un aveu sincere par maniere de compliment; Mais d'où vient Monsieur que Vous n'avez pas fait le meme aveu dans la preface de votre Livre, ce qui m'auroit été cent fois plus honoFile icon keinbild.gifrable? D'où vient que Vous attribuez dans vôtre preface tout l'honneur de cet Ouvrage au seul M. de l'Hopital à mon entiere exclusion? Bien plus, non content de le traiter d'Auteur et de nommer cet ouvrage le Sien, Vous insinuez assez ouvertement et presque positivement que je n'y ai point de part; voyez la page 155 où je suis tombé comme par hazard en feuilletant votre livre, vous y dites, en parlant de la Solution du probleme du plus petit crepuscule, que cette Solution est de M. Bernoulli, aujourdhui Professeur à Bale; que voulez vous dire par là autre chose sinon qu'il n'y a point d'autre Solution dans le livre de l'Analyse qui soit de moi que celle du crepuscule? c'est assurement une consequence qui decoule naturellement de Votre proposition: Sans façon Monsieur, Vous auriez mieux fait de Vous taire ici comme ailleurs du nom du veritable Auteur des Solutions contenues dans l'Analyse, car en m'attribuant celleci Vous me derogez toutes les autres. Ne pensez pas que je Vous parle sur ce chapitre par un motif d'ambition ou de vaine gloire; j'y suis obligé par la presente conjoncture de nos affaires, où quelques envieux Anglois Keil, Taylor etc. tachent de fletrir ma reputation voulant insinuer que l'Analyse des infiniment petits étoit un ouvrage au dessus de ma portée, et que je n'entendois pas seulement la nature des differences secondes bien loin de pouvoir étre l'auteur du livre de l'Analyse; c'est ce qui a induit le susdit Mr. Bourcard à faire mon apologie par une Lettre adressée à M. Taylor, où il a, comme je Vous ai déja marqué, tres bien demontré à quel titre de droit je puis revendiquer l'ouvrage de M. de l'Hopital; mais quand ces Antagonistes Anglois verront paroitre Votre livre dans le temps qu'ils me disputent avec tant de ferveur mon droit, quel effet croyez vous que fera Votre livre lors qu'ils y verront que Vous étes leur Partisan, vous qui étes Suisse comme moi et par consequent mon compatriote? quel sujet de triomphe n'en tireront-File icon keinbild.gifils pas? Il est vrai que je ne m'en soucie pas beaucoup, car la verité est déja assez au jour et ne manquera pas tot ou tard de passer partout, tandem bona causa triumphat:[11] Ce dont je m'étonne le plus, c'est que je voi que Vous affectez d'ignorer ce qui seroit[12] en ma faveur, en voici un exemple; Mr. Saurin parlant dans le Journal des Sçavants de 1702[13] (dont Vous faites mention à la page 291)[14] de la Solution du probleme proposé dans l'Analyse des infin. pet. art. 163[15] et l'ayant attribuée à Mr. de l'Hop. d'une maniere qui me faisoit également de l'injustice et de l'injure, de l'injustice, par ce qu'il m'ôtoit et attribuoit à un autre ce qui m'étoit dû; de l'injure, parce qu'il prononçoit que le seul M. de l'Hopital avoit été capable de resoudre ce probleme, je me trouvai obligé de dire publiquement ce qui en étoit et de montrer que M. de l'Hopital n'avoit pas trouvé la solution inserée dans l'Analyse, et n'avoit pas meme été capable de la trouver, puisque je l'avois laissé croupir prés de deux ans dans son travail sans avoir pu reussir, jusqu'à ce que m'ayant prié et sollicité instamment par plusieurs lettres,[16] je luy ai enfin communiqué ma solution qui est dans l'Analyse art. 163 avec les memes exemples des articles 164 et 165; j'en fis l'histoire (quoique modestement) dans les Actes de Leipsic 1704 du mois d'Aoust,[17] où je fai voir aussi l'obligation où l'on est d'en venir à une seconde differentiation, j'en donne quelques exemples; Vous devez avoir lû cette piece-là puisque Vous lisez les Journeaux de Leipsic, au moins Vous ne pouvez pas l'ignorer, puisque M. Saurin en fait mention dans les Memoires de 1716 que Vous citez: Or j'avois si bien convaincu M. Saurin par des Extraits de Lettres de M. de l'Hopital, que la Regle donnée dans l'art. 163 de l'Analyse étoit venue de moi, que M. Saurin l'a reconnû ingenument dans la seconde partie de son ecrit inseré dans les Memoires de 1716.[18]

Vous y aurez donc lû cet aveu de M. Saurin, ce qui devoit Vous suffire pour m'approprier la dite Regle, Vous n'auriez File icon keinbild.gif pas risqué d'encourir la disgrace des Defenseurs de M. de l'Hopital puisque Vous n'auriez fait que suivre l'exemple de M. Saurin le plus zelé et le plus attaché des Partisans de M. le Marquis de l'Hopital. Je passe sous silence plusieurs autres articles particulierement les 166, 167 et 168 qui sont de moi de toute notorieté puisque je les ai publiés longtemps avant l'impression de l'Analyse des infin. pet., voyez les Act. de Leipsic de 1695, mois d'Aoust,[19] les quels donc en m'attribuant comme à leur veritable Auteur Vous n'auriez pas fait plus de tort à M. de l'Hopital, que lorsque Vous avez trouvé bon de m'attribuer la seule solution du plus petit crepuscule, sans doute par la raison que Vous avez trouvé cette solution publique sous mon nom dans le Journal des sçavants. Cependant Monsieur je ne veux pas approfondir les raisons que Vous avez eues de dissimuler que Vous aviez en composant Votre Livre, la moindre connoissance de ce qui m'appartenoit de tout ce qu'il y a dans le Livre de l'Analyse, excepté l'unique solution du crepuscule, j'ai trop de discretion pour Vous questionner là dessus: Ainsi n'en parlons plus.

Je n'ai rien vû de ce que M. de Gamache a ecrit contre Vous, je serois curieux de le lire, comme aussi Vôtre refutation. Je me recommende à la continuation de l'honneur de Vôtre Bienveuillance, Vous priant d'etre persuadé que je ne cesserai jamais d'etre avec toute l'estime que je Vous dois Monsieur Votre tres humble et tres-obeissant Serviteur J. Bernoulli.

Bâle ce 15. Juillet 1722.


Fussnoten

  1. [Text folgt]
  2. [Text folgt]
  3. Der folgende Text bis "que Vous me faites dans Vôtre lettre" ist mit einer kurzen Auslassung abgedruckt als: Joh. I B. Op. CLXIX, Extrait d'une lettre à l'Auteur du Commentaire sur l'Analyse des infiniment petits de M. le Marquis de l'Hopital Imprimé à Paris, en 1721, in: Opera IV, pp. 160-168.
  4. [Text folgt]
  5. Durlach bei Karlsruhe war Residenz der Markgrafen von Baden-Durlach.
  6. [Text folgt]
  7. [Link folgt]
  8. Nachprüfen: in Op. BDEm
  9. [Text folgt]
  10. Bis Hier endet die Passage, abgedruckt als: Joh. I B. Op. CLXIX, Extrait d'une lettre à l'Auteur du Commentaire sur l'Analyse des infiniment petits de M. le Marquis de l'Hopital Imprimé à Paris, en 1721, in: Opera IV, pp. 160-168.
  11. [Text folgt]
  12. Im Manuskript steht "feroit".
  13. [Text folgt]
  14. [Text folgt]
  15. [Text folgt]
  16. [Text folgt]
  17. [Text folgt]
  18. [Text folgt]
  19. [Text folgt]


Zurück zur gesamten Korrespondenz