Scheuchzer, Johannes an Bernoulli, Johann I (1723.11.14)

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Autor	Scheuchzer, Johannes, 1684-1738
Empfänger	Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Ort	Zürich
Datum	1723.11.14
Briefwechsel	Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur	Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 668, Nr. 148*
Fussnote

Monsieur mon Treshonnoré Patron.

Je suis bien aise que mon nouveau Phosphore vous ait fait du plaisir; Et veritablement cette pierre peut donner beaucoup de matiere aux speculations Philosophiques. Je suis aussy ravi, que Vos experiences s'accordent parfaitement avec les epreuves et les Essais differents, que j'en ay fait du depuis, hormis avec l'eau. Il est constant, que la lumiere qu'on y observe, reconnoit pour sa cause un Souphre tres subtil, qui reside dans la pierre, et qui s'enflamme par la chaleur, et plus la pierre s'echauffe, plus aussi la couleur tire sur le rougeastre: mais toute sa qualité pour devenir phosphore se perd, lors que la pierre est toute rouge et enflammée. La subtilité du Souphre se prouve, de ce que le phosphore, mis sur le papier, ne l'enflamme non seulement point, mais ne fait pas seulement la moindre tache, qui pourroit marquer une inflammation. Voicy encore des Observations tres curieuses, qui, à ce que j'espere, vous donneront de la Satisfaction.

Dans ma derniere j'ay eu l'honneur de Vous dire, que cette pierre resiste au feu le plus violent, sans aucune alteration, et que même elle devient plus pellucide et plus nette: Et qu'elle ne se fond ou se vitrifie nullement. Cette derniere chose arrive aussy à La Pierre de Bologne, dont je vous ay marqué comme l'on prepare le Phosphore. Voicy une autre maniere beaucoup plus curieuse.

J'ay mêlé une quatrieme partie de la pesanteur de la pierre de Bologne mise en poudre ensemble, et j'en ay formé des pâtes, Et puis calciné, mais j'êtois surpris de voir la calcination passée, toute la matiere fondüe, et attachée en partie à la grille du furnus Anemius, l'autre passée au travers de la dite grille, et partie attachée aux charbons qui restoient encore dans le four, cette masse etoit semblable à ces Stalactites, ou masses jaunastres qui se trouvent dans quelques grottes où l'eau destille par les fentes des pierres. Les mourceaux de cette masse traités come il faut, et comme l'on pratique avec la pierre de Bologne preparée rendoient une Lumiere foible et peu durable, Et même la qualité de Phosphore s'evanouissoit tout à fait dans quelques uns de ces mourceaux. Ce qui me donna lieu de penser à une autre preparation, qui rendoit le phosphore plus parfait et infinement plus beau, que l'on ne le sçauroit preparer de la pierre de Bologne toute seule. La voicy.

[Rc] Lapid. Bononiens. [pulveri]sati ℥iv

Lapid. Specularis Bernensis

Aluminis usti ${\overline {\textrm {aa}}}$ ℥j

Aprés avoir bien melées ensemble ces Especes j'en ay formé des pâtes, et les ay mis à calciner, toutes ces masses se sont fondües facilement, et la matiere fluide s'attache à toute chose, devient jaune, et luit dans l'obscurité comme un charbon ardent ou une braise, l'effet en est d'autant plus remarquable, lors que le phosphore s'est attaché à un charbon, car qui ne scait point le mystere croit, que c'est une braise toute brulante. Ce phosphore, lorsque l'on ne le deffend de l'air le mieux qu'on peut, perd aisement la qualité de devenir phosphore, et de jaune qu'il est, il devient gris ou verdastre, et plus que cela se fait, plus aussi il a perdu sa bonne qualité. Mais aussy aisement qu'il se perd, aussy aisement il se revifie quand on le calcine de nouveau, sans aucune addition, et même il devient plus beau et plus vif.

Pour donner la même vivacité à la masse de la premiere mixture, on n'a qu'à la piler de nouveau et d'y ajouter de l'Alun calciné, et il recevra la même qualité de luire dans l'obscurité. Et l'on peut se servir de la pierre de Bologne deja calcinée et preparée comme de la crude, l'effet en sera egalement beau.

La preparation susdite de la pierre de Bologne, unissant une Italienne avec un Suisse egalement indomtable, est d'autant plus curieuse, qu'elle ne peut pas manquer absolument.

Cette mixture est d'ailleurs si violente, pour fondre avec elle tout ce qu'elle rencontre, que, voulant conserver la mixture tres pure, et l'ayant mis dans un creuset commun, le creuset s'est fondu avec la mixture, et la masse est devenüe brune, et de la couleur de la rouille de fer, et tout à fait incapable à recevoir la qualité de luire dans l'obscurité.

J'ay mêlé aussy la pierre de Bologne avec l'Alun brulé tout seul, mais les masses que j'en avois formé ne vouloient pas se fondre, elles sont devenües en quelques endroit blanches, en quelques autres d'un jaune tres beau, qui luisoit bien dans l'obscurité, mais la lumiere duroit fort peu de temps, et ce qui êtoit jaune devint en moins d'une demie heure verdastre, et a perdu toute sa qualité luisante.

J'ay cru du reste, que, pour vous donner une entiere Satisfaction, il faloit vous envoyer quelques mourceaux de ma nouvelle preparation, faites en Vos Epreuves et Vos speculations, et m'en dite Vôtre sentiment, je vous en supplie. La remarque generale que j'en fais, est, que l'Alun excite et exalte fort la qualité luisante.

Je souhaite au reste, que vous remportiés le prix proposé par l'Academie des Sciences, si l'on vouloit vous rendre justice, il vous appartiendroit de Droit; j'ay ce prejugé tres bien fondé, sans voir vôtre Deduction, ne connoissant aucun homme, qui en semblable matiere puisse etre Vôtre Competiteur. Avec cela je finis. Je n'ay pas presque le temps d'assurer de mes tresh. respects Mad.^e Votre treschere Epouse et toute Votre belle famille; Vous sçavés du reste deja que je suis sans aucune reserve Monsieur mon Trescher Patron Votre treshumble et tresobeissant Serviteur D.^r J. Scheuchzer LdSchr.

Zuric en grande hate ce 14.^e 9bre. 1723.

À Monsieur

Monsieur Jean Bernoulli, Tres-

celebre Docteur en Medecine et Pro-

fesseur en Mathematique, des Acadd.^s

RR.^les de France, d'Angleterre et de

Prusse

à

Basle

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Fussnoten

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