Bernoulli, Johann I an Scheuchzer, Johann Jakob (1729.12.20)

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Autor Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Empfänger Scheuchzer, Johann Jakob, 1672-1733
Ort Basel
Datum 1729.12.20
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur ZB Zürich. SIGN: Ms. H 321, pp.189-192
Fussnote Auf p.192 befinden sich Adresse, Siegelspur und P.S.



File icon.gif Monsieur et tres honoré Ami

Suivant ma promesse je Vous donne communication du denouëment de l'affaire de M. Wetstein Diacre de S.t Leonhard. Aprés un assés long silence Mrs. les Theologiens, savoir les Docteurs en Theologie et les Pasteurs, excepté le Pere du Diacre, presenterent Mecredi passé un Memoire de 60 pages in folio au Conseil, contenant les Griefs contre le Leonhardin: La lecture de cet ecrit a duré plus de 2 heures; Peutetre savés Vous mieux que moi toutes les particularités du contenu, car on dit que nos Theologiens ont envoyé aux Votres une Copie de leur Ecrit, avant meme de l'avoir presenté au Senat, pour faire voir que de leur coté ils n'ont rien omis pour defendre la Cause de Dieu, en cas que le bras seculier ne voulut pas faire de meme son devoir avec assés de vivacité. J'ai oüi dire que cette piece est fort bien ecrite, mais aussi qu'elle est foudroyante: l'affaire du N. T. est le moins qu'on y agite, mais on impute par dessus cela au malheureux W. les plus noires heresies qu'il doit avoir enseignées à ses Disciples, entre autres que notre Sauveur J. C. est bien Dieu mais moins parfait que Dieu le Pere, et qu'il n'est ni tout puissant ni tout sachant nec Omnipotens nec Omniscius, que le S.t Esprit est encore audessous de J. C. ensorte que dans les 3 Personnes de la Divinité File icon.gif il y a selon notre nouvel Apotre une subordination en fait de perfection; Voila une grotesque idée de la Divinité, concevoir un Dieu qui manque de quelques perfections, n'est ce pas concevoir une Chimere? il doit encore avoir enseigné ques les Ames des trepassés ne font que dormir jusqu'au jour du dernier jugement, sans étre pendant tout ce temps là dans un état de felicité ou de supplice, ce qui donne à plusieurs à penser, que le Diacre veut nier l'immortalité de l'Ame et croire que l'ame est aneantie aprés la mort de l'homme, et qu'au jour de la Resurrection ce ne sont plus les memes Ames qui resusciteront avec les Corps, mais que chacun recevra une nouvelle Ame selon qu'il aura merité; il y en a meme qui s'imaginent que M. W. veut adroitement sapper le fondement de la Resurrection; En effet que peut on entendre par une Ame qui dort, si non une Ame detruite? car l'étre de l'Ame consistant uniquement dans son activité de penser, il faut necessairement qu'aussitot qu'elle cesse de penser elle cesse aussi d'exister, à moins qu'il ne pretende, que l'ame soit quelque chose de materiel, qui subsiste sans penser; et il est bien à craindre que W. ne donne là dedans avec certains Anglois, desquels il peut avoir succé ces beaux sentiments, pendant qu'il demeuroit en Angleterre. Enfin on l'accuse de plusieurs autres heterodoxies enormes, et nos Theologiens, à ce qu'on dit, doivent l'avoir qualifié dans leur Ecrit de jeune Homme hardi dans le quel il semble se trouver concentré la quintessence des plus dangereuses heresies que le Diable ait jamais inventées, dans ce meme Ecrit on lui reproche, qu'une fois dans le Consistoire Ecclesiastique, il avoit avancé hautement, que les Protestans de France devoient se conformer à l'intention du Roi et se faire catholiques pour eviter la persecution, d'où l'on conclut qu'il est un Athée; ce qui joint à la vie qu'il mene et qui n'est pas des plus reglées comme on assure, excite un grand scandale et fait une fort mauvaise impression dans l'esprit de la plus part du peuple. La dite Piece ayant donc été luë dans le Senat, il fut ordonné, que le File icon.gif Diacre seroit encore une fois examiné par les Theologiens en présence des Scholarches et du Conseil privé qu'on nomme ici le Conseil des Treizes, et qu'en attendant il seroit suspendu de toutes ses fonctions. Cet examen fut executé le lendemain Jeudi passé; je n'en sai pas bien le resultat, mais ce que j'en sai, est qu'on en a fait relation au Conseil Souverain (qu'on appelle le petit Conseil par distinction du grand Conseil qui est celui des deux Cents); cela se fit samedi suivant; là dessus on continua la suspension de l'Accusé et on lui accorda 4 semaines tant pour repondre par ecrit à touts les chefs d'accusation que pour faire revenir d'Hollande le manuscript de son nouveau testament grec. Il y avoit ce jour là environ 40 Personnes de sa Paroisse assés temeraires pour presenter au Conseil une Requete en faveur de leur Diacre, sollicitant le Magistrat de l'absoudre et de lever sa suspension, mais leur requete fut fort mal reçue comme un attentat seditieux qui tendoit à interrompre le cours de la justice et la connoissance de cause qu'un Magistrat ne peut se dispenser de prendre, sur tout dans une affaire d'une aussi grande importance que celleci; on conçoit bien que de ces 40 Intercesseurs importuns, il y avoit quelques boutefeux devoués au vieux W. plein d'artifices et de ruses, qui ont seduit les autres. Voila Monsieur un recit näif de ce qui s'est passé jusqu'à present dans cette Tragedie; je ne trouve pas encore à propos que Vous en fassiés à quelqu'autre la communication, car je pourrois m'etre trompé en certaines circonstances: Je Vous prie plutot de me mander ce qu'on en dit chés Vous, particulierement les reflexions que Mrs. Vos Theologiens auront faites sur le Memoire des Notres.

Mr. Gesner le Cadet soutint hier avec applaudissement sa These inaugurale de Exhalationibus; Votre Nom y brille aussi selon Votre merite. Sa promotion Doctorale se devoit faire aujourdhui solemnellement, mais son Promoteur est tombé malade; c'est pourquoi si la maladie dure, il se fera recevoir Docteur sub camino. Il a fait de bon progrés dans les mathematiques, pendant environ deux ans qu'il a frequenté mes leçons. Adieu.

Je suis avec toute l'affection de mon coeur Monsieur Votre treshumb. et tres ob. ser.tr J. Bernoulli

Bale ce 20. Xbre 1729.

t. s. v. p.

File icon.gif P. S. On me vient dire dans ce moment que le Diacre fut hier chés Mr. le D.r Werenfels pour chanter le peccavi en temoignant de vouloir rentrer en reconciliation avec les Theologiens et de faire revenir son testament grec pour le remettre entre leurs mains. Mais c'est à savoir si le Magistrat voudra se contenter d'une telle reconciliation qui se fait intra privatos parietes; Car puisque le scandale est devenu public, il me semble qu'il ne pourra sortir d'affaire sans faire une amande honorable et passer par la censure publique suivant la Discipline Ecclesiastique.

A Monsieur

Monsieur J. J. Scheuchzer

Docteur en Medecine et

Professeur des Mathematiques

tres Celebre etc.

à

Züric


Fussnoten

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